Colette Ilunga

-Présidente de l'association Emergence Plus,

 

 

 Diplômée en Biochimie, Colette Ilunga milite dans les associations depuis les années 90.  Présidente de l'association Emergence Plus.Elle a été Présidente de l’association IFAFE à Lyon où elle a mené des actions en faveur de la promotion des femmes. Engagée en politique, elle a été conseillère municiaple à la ville de Lyon  Et par ailleurs, elle mène diverses conférences notamment sur l'interculturalité, l'insertion professionnelle des jeunes et le genre. 

 

Regards sur les discriminations

- EFA : En tant que Présidente et militante associative, que pensez-vous des opinions de ces jeunes issus de l'immigration sur les discriminations ?

- C.I. : Les meilleurs interlocuteurs sur tous ces problèmes concernant les discriminations sont les jeunes issus de l'immigration. Ils peuvent mieux en parler tout simplement parce que ceci fait partie de leur vécu en France. Tout ce qu'ils ont dit résume parfaitement la situation. Il y en a qui ont perdu tout espoir d'un avenir meilleur, et qui sont prêts à se résigner en disant qu'il n'y aura jamais d'égalité ; d'autres qui préfèrent ne pas lutter mais partir ailleurs, en Angleterre, par exemple, voir si l'herbe est plus verte qu'en France.

L'attitude que j'apprécie le mieux est celle de dire que nous allons nous battre. Rien n'est gagné d'avance, mais en mettant en place une vraie stratégie avec un groupe bien organisé et des actions politiques mieux pensées, on peut s'autoriser à espérer des lendemains meilleurs. Ne pas dénoncer cette situation serait un crime. Se taire c'est se rendre complice.

On ne se gêne pas du tout avec le Noir.

Le regard que la société occidentale pose sur les Noirs est chargé de clichés qui remontent aux siècles des Lumières. Et depuis, ces mentalités ont peu évolué en l'absence d'une vraie politique pour d'éradiquer ce mal.

Faudrait-il penser que le système français tel qu'il est conçu et appliqué à ce jour, serait un frein à l'épanouissement des minorités visibles que nous sommes? Il est urgent que ces pratiques discriminatoires cessent, exigeons la « tolérance zéro » dans ce domaine. Il faut savoir que lutter contre les discriminations est un véritable enjeu de prévention des violences urbaines.

- EFA : Y a t-il des opinions qui ont particulièrement attiré votre attention ? Lesquelles ? Et pourquoi ?

- C.I. Le jeune qui a dit «on est aussi chez nous» a bien parlé. Du fait d’être rejeté par une société qui ne les intègre pas comme il se doit, il y a beaucoup de jeunes qui développent des comportements marginaux et parfois autodestructeurs.

Il est temps que dans notre pays, la France, on considère tout individu sur le même pied d'égalité, qu'il soit noir, blanc ou jaune, femme, homme ou enfant. Il faut qu'il y ait une vraie politique d'égalité des chances.

- EFA : Et que pensez-vous des opinions des parents ?

- C.I. : Certes nos enfants rencontrent d'énormes difficultés pour être acceptés dans l'hexagone. Mais en tant que parents, nous avons la grande responsabilité de lutter contre toutes ces injustices que nous-mêmes avons subies, et ne pas permettre que nos enfants vivent la même chose.

Nous avons le devoir de transmettre à nos enfants une bonne éducation. Nous avons l'obligation de rétablir auprès de nos enfants l'image négative et l'histoire falsifiée d'une Afrique pauvre que nous renvoient les médias au quotidien ; car ceci a pour conséquence de détruire l'estime de soi de nos enfants et leur volonté de réussir.

- EFA : A votre avis quel est « le plus » qui permettrait de lutter efficacement contre les discriminations ethniques ?

- C.I. : Changer les mentalités n'est pas chose facile. Il faudra une vraie volonté politique pour éradiquer ce fléau qui condamne tout un pan de la population, discriminé par le simple fait de la couleur de leur peau. C'est inimaginable au 21ème siècle.

Il faudrait des lois pour régir les comportements des employeurs vis-à-vis de l'embauche, de l'évolution des travailleurs dans leur carrière, et des sanctions pour toutes entreprises qui les transgresseraient. Ce déni d'égalité est à l'origine d'une situation devenue inacceptable pour tous ceux qui le subissent.                                        

Colette Ilunga, Revue Etudes Féminines Africaines -EFA N°5, Regards sur les discriminations éthniques.


Collection Parcours Traces, N°17, Colette Ilunga,

Centre International Genre, 2013


[1] IFAFE : Initiatives des Femmes Africaines de France et d’Europe